Nuit d'hiver Cinq grands gaillards venaient de pénétrer dans le magasin Intersport
de St- Genis Pouilly. Le directeur du magasin se para de son plus beau
sourire et alla lui-même accueillir ces clients. Il est vrai qu'il les
connaissait bien ces
personnages. Pendant un banquet de la nouvelle année, il s'était retrouvé
assis à côté d'eux. Ils avaient sympathisé, et ils lui avaient promis
de bientôt venir faire des emplettes dans son commerce. « Salut Dominique !
Comment vas-tu, on vient vider ton magasin ! -Ne vous gênez pas pour moi ! » Répliqua t-il plutôt enchanté
par cette bonne idée. Après les avoir salués et échangé quelques mots. D'un geste vif mais
discret, il invita l'une de ses employées à s'empresser auprès de ces
amis. Il retourna ensuite tranquillement à son bureau l'air heureux. Il
est vrai que ses individus étaient tous très fortunés et ne comptaient
pas vraiment à
la dépense. Assis à son bureau, il se mit à les observer et se remémora leurs
rencontres durant cette soirée très distrayante. Ses compères travaillaient en tant qu'ingénieur dans la même usine
d'horlogerie de Genève et habitaient tous une villa dans la petite ville
de Prévessin. Il y avait tout d'abord Jean Paul, d'une logique implacable qui ne
laissait aucune place à la fantaisie. Certainement le plus intelligent
des cinq. Grand, un mètre quatre vingt dix, il était affublé d'une
immense écharpe noire qui enserrait son cou. Il ne s'en sépara
d'ailleurs à aucun moment, prétextant craindre terriblement le froid et
que ses bronches fragiles le faisaient terriblement souffrir. Dominique avait
été impressionné par son érudition. Voyage, science, médecine
et j'en passe, rien ne semblait avoir de secret pour lui, il aimait voir,
apprendre et comprendre tout ce que l'existence pouvait offrir. Il lui
posa quelques colles sur des sujets des plus divers. Mais les réponses
fusèrent prouvant la culture et le savoir de l'individu. Puis il rencontra Yves, personnage rondouillard, toujours prêt à la
rigolade. Écologiste convaincu, il lui avait expliqué des tas de choses
sur la nature et les plantes. Lui avait fait comprendre que le bonheur du
jardinage perdurait même durant la période hivernale.
Drôle de personnage en vérité qui adorait faire des promenades
nocturnes pour humer la campagne environnante. Jacques, le troisième larron, adorait le spiritisme. « Je recherche les âmes
perdues ! » Lui avait-il dit. En fait, il voulait par tous les moyens retrouver l'amour de sa vie qui
s'était éteint deux ans auparavant. L'appel de cet être cher, il le
faisait au grand air et la nuit. Souvent seul devant sa boule de cristal
ou d'autres fois en compagnie d'un de ses amis. Hector, lui, passait la vie dans les étoiles. Sa seule passion semblait
se tenir là-haut
dans le ciel loin de notre planète. Il s'était procuré un magnifique télescope,
qui lui servait, les jours de beau temps à admirer la voûte céleste.
Rien de ce qui concernait le ciel ne pouvait lui échapper. Le dernier larron avait intrigué Dominique à cause de ses origines.
Son père était français et sa mère Esquimaude. Son papa qui
travaillait dans le pétrole avait rencontré sa maman lors d'une mission
en Alaska. De leur union était né Alphonse. Les yeux bridés, une allure
de catcheur, il se baladait constamment en T-shirt. Le froid était son
meilleur copain aimait-il répéter à tous ceux qui voulaient bien
l'entendre. Des éclats de rire rappelèrent notre gérant de magasin à la réalité.
C'était
nos cinq joyeux drilles qui maintenant arboraient tous la même paire de
chaussures. « Les grands esprits se
rencontrent ! S’exclama Hector. -En plus, on a tous la même pointure ! Répliqua Yves. Leur paire de godasses Reebok à la main, tous quittèrent les lieux
ravis d'avoir trouvé leur bonheur. ------------------------------------------------ Ce matin, dans cette grande entreprise d'horlogerie, l'ambiance était
tendue. La direction devait choisir le nouveau chef de projet. Nos cinq
acolytes avaient postulé pour ce job qu'ils pensaient pouvoir accomplir
avec brio. Pour la direction, le choix semblait pourtant très simple, Jean-Paul était
évidemment l'homme de l'emploi. Il fut donc convoqué dans le bureau du
directeur qui après l'avoir félicité pour son excellent travail lui
proposa la fonction qu'il accepta avec un certain contentement. De retour parmi ses collègues ils leurs annonça la bonne nouvelle.
Tous s'empressèrent de le féliciter. Mais malgré les sourires, les
compliments et flatteries, une certaine gène venait de se créer entre
lui et ses comparses. L'amitié qui les avait unis jusqu'à présent s'était
profondément estompée. La jalousie et le sentiment d'infériorité que
tous avaient ressentis n'avaient pas été digérés de la meilleure façon.
Leurs réunions habituelles n'étaient plus de mises, et le temps
progressant, un fossé se creusa entre le nouveau chef et ses anciens
camarades. Jean-Paul ne fut plus invité à rejoindre le petit groupe et
l'hiver commença son chemin augmentant la brèche béante de leurs amitiés
passées... Pourtant ce matin du mois de janvier, Jacques, Hector, Yves et Alphonse,
s'étaient retrouvés devant la maison de Jean-Paul. Mais quelque chose
clochait vis-à-vis de leurs présences. Ils arboraient une triste mine et
restaient immobiles, comme cloués devant le portail de leur ami. Le froid
était intense et un léger vent glaçait l'atmosphère. « Laissez-passer ordonna
l'ambulancier ! La gendarmerie s'activait dans le jardin de cette magnifique villa de Prévessin. On avait retrouvé ce matin, leur camarade, assassiné, un couteau planté
dans le cœur. Ce qui était curieux c'est qu'au milieu du jardin se
trouvaient deux chaises longues et que sur l'une d'elle, couché sur le
dos, se trouvait le cadavre de notre infortuné. -En plein mois d'hiver, avec une température de moins dix degrés, mais
que faisait-il ici en pleine nuit ! » S'exclama la femme de ménage. C'est
elle, qui après avoir fait la macabre découverte avait averti la
police et notre comparse Hector, qui lui-même s'était empressé
d'informer toute la bande. Tous avaient déboulé sur les lieux malgré
l'heure matinale. La tête pleine d'amertume, ils regrettaient maintenant
leurs fâcheux comportements à l'égard du défunt. L'inspecteur Ernest Puppa en compagnie de deux de ses collègues, Purbon
et Gentou, de la police scientifique du Pays-de-Gex arrivèrent rapidement
sur les lieux. Ils commencèrent leurs investigations. Rapidement un indice important fut retrouvé. Sur le sol du jardin, une
fine couche de neige ancienne était marquée de deux traces de pas
distinctes. « Pointure quarante cinq,
marque Reebok, les empreintes du mort sont les mêmes que celles du
meurtrier ! » S’exprima ainsi le gendarme de service. Les quatre compères qui assistaient à la scène se regardèrent ébahis... ---------------------------------------------------- L'interrogatoire qui se déroula les jours suivants ne révéla rien.
Les trois inspecteurs qui s'occupaient de l'affaire, avaient bien compris
que le tueur faisait partie
de ce groupe d'amis qui turbinait dans la même entreprise, mais leurs
alibis semblaient en béton. Le mobile du crime était certainement la
jalousie, Jean-Paul venant d'obtenir à la barbe de ses amis, une place
que tous convoitaient. « L'un d'eux à
certainement voulu se venger de ce qu'il considérait comme un affront.
Mais qui est le coupable ? Demanda Hector Purbon à ses collègues. Gentou répliqua : - Alphonse ! C'est un esquimau, il devait occuper la chaise à côté du
mort. Il adore le froid, il a certainement voulu que sa victime goutte au
climat de son pays ! - Mais non, t'as de ces idées ! Répliqua Purbon. Le trucidé avait
horreur du froid. Le suspect numéro un, pour moi c'est Hector qui voulait
lui montrer le ciel étoilé. - Avec la brume d'altitude que l'on a depuis une semaine, pas moyen de
voir la moindre étoile ! Ajouta son compère en ricanant. - Alors, c'est Jacques, avec ses manies de vouloir retrouver des fantômes,
il a voulu commettre un sacrifice rituel en pleine nature ! -Et pourquoi pas Yves ! Termina son collaborateur. Il aime la nature, il
l'a emmené dans son jardin pour lui montrer que la campagne est belle en
cette saison et vlan ! Il l'a tué ! L'inspecteur Ernest Puppa qui était resté silencieux, se leva
brusquement. Sortit son journal hebdomadaire,"Le Gessien", de sa
poche. Tourna rapidement les pages et s'arrêta brusquement sur l'article
qui l'intéressait. Il se souvenait de quelque chose qui collait
parfaitement aux circonstances du meurtre et désignait avec certitude le
coupable. Moi,
j'le connais le coupable ! Dit-il la mine réjouie. Pour la solution de cette énigme cliquez ici
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