La
salle de bain Comme tous les matins, Edmond se
retrouvait dans sa grande salle de bain. Cette pièce, il l'abominait. La
couleur rose de son carrelage, le rose des serviettes, le rouge vif des
meubles tout cela lui rappelaient sa femme. S'était-elle qui avait voulu
ces tons abominables. Il était marié depuis maintenant quinze ans et considérait
ce fait comme l'erreur de sa vie. « Si elle n'était pas si riche, ça fait
longtemps que je l'aurai quittée ! » Pensa t'il. Il travaillait comme mécanicien chez un petit
carrossier de Gex et il est évident que cette magnifique maison où
ils venaient d'emménager sur les hauteurs de Crozet n'avait certainement
pas été achetée grâce à son maigre salaire. C'est sa femme qui avait choisi d'acheter cette belle
villa. Elle avait tout décidé, l'emplacement, sa dimension, sa décoration.
Comme d'habitude il n'avait pas eu droit de citer. « C'est moi qui paie, c'est moi qui décide ! »
Avait-elle répondu à ces conseils et ceci devant l'architecte qui
n'avait pu s'empêcher d'afficher un petit sourire narquois. L'argent, et bien oui l'argent avait été pour lui la
seule raison de leur union. Elle ! Il paraît qu'elle l'aimait. Du moins au début. Elle était laide comme un pou. Comment aurait-elle pu
trouver quelqu'un d'autre. Il vit passer sa silhouette dans son esprit et ne put
s’empêcher de ressentir quelques frissons de dégoûts. Elle était petite et grosse, avec deux énormes verrues
qui décoraient son visage. Un nez de la taille et de la ressemblance
d'une patate, des yeux regardant chacun dans une direction différente,
des cheveux d’un blond délavé. Une disgrâce intégrale qu’elle
transbahutait avec fierté dans les rues du pays de Gex. Et une vulgarité
incroyable, qu’il qualifiait de nauséeuse. « Janine, Je te déteste ! » Hurla t'il dans
sa pensé, les poings serrés, se mirant dans un miroir qui lui renvoya
brutalement l'image de sa haine. Et comment voulez-vous faire un enfant à un laideron
pareil ! Heureusement qu'ils dormaient tous les deux dans une chambre
séparée. Loin de ses ronflements, de son odeur de naphtaline de son
masque de jouvence, de sa façon de parler en dormant. Vu la description de cette matrone, on aurait pu penser
que notre homme était particulièrement courageux de continuer malgré
tout, sa vie avec elle. Mais, lui non plus n’était vraiment pas un
cadeau. Très éloigné de l’image de l’homme parfait, il se
complaisait dans ses deux
principaux péchés qui résidaient dans l'alcool et le jeu. L'ensemble de
son salaire passait dans ces fâcheuses habitudes. Janine ne lui laissait,
heureusement, jamais le loisir de mettre la main sur son propre pactole
qu’elle avait dans son intégralité reçu d'un juteux héritage. Malgré cette flagrante mésentente, une sorte de pacte
s’était installé entre eux. La seule bonne et évidente façon de supporter
quelqu’un que l’on déteste, c’est de ne jamais la voir. Et c’est ce qu’ils faisaient de leur mieux. La seule dérogation à cette réalité étant le repas
du soir. Elle ne cuisinait pas mais achetait
tous ses repas chez le traiteur. Elle posait l’ensemble des mets sur la
table, et c’est à cet instant qu’Edmond armé de son assiette et de
sa fourchette faisait son apparition. Assis l’un en face de l’autre, ils se bâfraient
sans un seul mot. Ingurgitaient sans inspirer toutes les victuailles qui
s'étalaient sur la table. Puis, le repas terminé chacun reprenait la
route de ses quartiers. Elle devant sa télévision et lui en compagnie de
ses bouteilles… Edmond brancha son rasoir dans l'unique petite prise prévue
à cet effet. Une étrange et macabre pensé vint à son esprit. « Et si j'électrocutais cette grosse vache quand
elle prend son bain ! Dit-il à voix basse. Je branche le sèche cheveux
et hop un petit tour dans la baignoire pendant qu'elle y sommeille ! » Ce terrible songe de voir sa femme tordue, agonisante,
ces cheveux dressés sur la tête, le fit sourire. Mais, il y avait un
problème. Elle s'enfermait toujours à quatre tours quand elle faisait sa
toilette. Et, jamais de la vie il n'aurait le droit de venir la déranger. Edmond grommela quelques mots inintelligibles, termina
de se coiffer. Il était temps pur lui de partir rejoindre son turbin… Tout au long de la journée, notre ami resta pensif.
Comment pourrait-il se débarrasser discrètement de sa donzelle ? Ce vendredi soir il rentra au bercail avec une
excellente idée en tête. ------------------------------------------------------------- « Je pars ! Dit Janine d'une voix forte. Ne te
saoule pas trop ! » Edmond ne répondit rien, mais un large sourire se
dessina sur son visage. Sa femme à peine sortie de la maison, il se précipita
vers son placard à outils et en sortit sa perceuse. La salle de bain l’attendait dans toute sa laideur. Dominant l’endroit, une grande baignoire trônait
adossée à l’un des murs. Sa particularité, c’était un coffrage en
bois précieux qui l’encadrait et lui donnait un cachet très
particulier. Sur ses deux côtés, à hauteur de mains, se trouvaient deux
longues poignées en acier chromé qui permettaient à l'heureux baigneur
de se relever sans effort. Son premier travail fut d’enlever une partie du
coffrage et ceci lui prit une bonne demi-heure, puis il perça un petit
trou à la base de la baignoire. Il y enfila l'extrémité d’une bobine
de fil électrique qu'il avait eu soin de ramené de son lieu de travail,
de l'autre côté de la cloison se trouvait une petite pièce qui servait
de vestiaire à madame. Il n'eut aucun mal pour cacher le fil, qu'il
emmena jusqu'au niveau de la prise de courant. Il y testa les deux bornes
à l’aide de son tournevis d’électricien et repéra la phase d’un
point rouge. Dans la salle d'eau, il mis à nu le cuivre du cordon électrique
et l’enroula tout simplement à l'un des écrous qui fixait les poignées.
Il vérifia que seulement quelques légères tractions suffisaient à dénouer
l’ensemble. « Le tour est joué ! » Pensa t’il
tout haut. Il remit en place l'édifice tel qu'il l'avait trouvé
et il n'y avait plus qu'à attendre le retour de sa compagne… ---------------------------------------------- Le soir venu, la routine habituelle prolongea son
chemin. Janine se goinfra et décida ensuite d'aller prendre son bain. La
clef fit un tour dans la serrure, l'eau coula pendant un long moment, puis
l'on entendit un gros "PLOUF !" Le corps volumineux de la
future victime, sans le savoir, venait de rejoindre son cercueil. Le cœur d'Edmond tapait dans sa poitrine, une abondante
sueur coulait sur son front ridé. Sans faire le moindre bruit il entra
dans le lieu du crime, prit le fil meurtrier dans ses doigts et le logea
dans la prise de courant. Tout d'abord, rien ne se passa, une chanson de
Charles Aznavour entonnée par sa moitié continuait à résonner dans la
salle d'eau. Puis se fut un grand cri, la lumière se mit à vaciller et
après quelques secondes le logis se retrouva plongé dans le noir le plus
complet. Le tueur, armé d'une lampe de poche, mis son oreille
contre la cloison qui le séparait de sa femme. Plus aucun bruit ne se
laissait entendre. Il entreprit de démonter le cache qui recouvrait la
serrure de la salle de bain, y enfila une petite pince, et le tour était
joué, la porte s'ouvrît dévoilant le macabre spectacle. La pauvre morte
semblait tétanisée, une main crispée sur la cause de son électrocution.
Ganté, Edmond brancha le sèche cheveux et le glissa dans la main de
l'infortunée qu’il avait préalablement ôtée de son emprise. Il
laissa tomber le tout dans l'eau. De l’autre côté du mur il tira le
fil qu’il rembobina. Il rangea la bobine de fil dans sa boîte à outil,
et, ni vu ni connu verrouilla la porte. « Police secours ! Venez vite, un malheur est
arrivé ! Dépêchez-vous ! » Quinze minutes plus tard, le Samu était chez Edmond,
ils firent sauter la porte à grands coups de marteaux et le médecin ne
put que constater le décès de la malheureuse. Mort par électrocution, marqua t-il dans son rapport… ----------------------------------------- Cette méchante histoire aurait bien pu se terminer là. Malheureusement pour notre assassin, mais heureusement
pour notre mère justice. L'épouse d'Edmond avait en secret souscrit une
assurance vie au bénéfice de son époux. Pourquoi ? Parce qu'elle l'aimait encore, qu'elle croyait être
en proie à une maladie terminale, en fait personne ne comprit vraiment la
raison de ce geste généreux. C'est donc la compagnie d'assurance qui se
mêla de l'affaire. L’enquêtrice appela l’un de ses illustres amis :
« Ernest ! C’est Corinne Mirot. J’ai un
service à te demander !
L’inspecteur Ernest Puppa était en vacances, une
pause bien mérité loin de ses sordides enquêtes. Malgré cela, il écouta
les explications de son amie concernant ce terrible accident qui avait coûté
la vie à une pauvre malheureuse. -S’il te
plaît ! Continua t’elle, pourrais-tu faire un tour chez
eux, question de voir si tu ne découvres rien d’anormal ! »
Ernest acquiesça. Comment aurait-il pu refuser à la
charmante Corinne ! Ses yeux bleus, son sourire d’ange le rappelèrent
à quelques heureux souvenirs. « De toutes façons l’enquête sera facile, on
avait conclu à un triste concours de circonstances et, de plus, ce type
d’accident est fréquent ! » Pensa t’il. Le lendemain, il se trouva sur les lieux de
l’accident, officiellement mandaté par les assurances Mirot et Cie. « Ma tendre compagne. Elle se séchait les cheveux
dans sa baignoire. Je l’avais pourtant déjà averti des dangers
qu’elle courait. Y-a fallu défoncer la porte pour constater le décès!
Indiqua Edmond les larmes aux yeux. L’infortuné semblait effondré, l’amour de sa vie
disparu en un instant. Qu’allait-il devenir sans elle, sa joie, sa
tendre présence. Puppa résista avec peine à l’envi de verser une
larme sur tout ce désarroi. -Regardez, inspecteur, on l’a retrouvée là, dans son
bain, la main crispée sur ce sèche cheveux ! Il montra du doigt l'objet meurtrier qui reposait
maintenant sur l'évier. - Elle était morte électrocutée ! Ajouta t-il en
sanglotant. Puppa n'écoutait déjà plus les pleurs d'Edmond, il se
dirigea vers la baignoire, et referma la porte derrière lui. A peine une
minute plus tard il ressortit l’air grave, regarda Edmond droit dans les
yeux et dit : --------------------------------------------- Pour la solution de cette énigme cliquez ici
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