La passion du Christ de Vermeer « Allô ! Monsieur Ernest Puppa ? - Oui, c'est lui-même. - Salut mon ami, ici René Dupond ; on était dans
la même classe au collège ; te souviens-tu de moi ? - René, pas croyable, mais je croyais que tu vivais aux États-Unis ! - Tout à fait ! Je suis à Genève pour quelques
jours pour affaires et j'aimerais bien te revoir ! - Avec grand plaisir ! - Je suis à l'hôtel Intercontinental. Viens m'y rejoindre ce soir pour dîner. J'aurai également comme convives Aurélien Doublon et deux autres copains... Mais, je te laisse la surprise. À vingt heures tapantes, je compte sur toi. » La conversation terminée, Puppa reposa le téléphone
et se remémora les vieux jours. On était dans notre tendre jeunesse,
cinq copains inséparables : René, Aurélien qui habite Crozet et
puis, les deux autres…? ---------------
« Monsieur René Dupond, s'il vous plaît. - Oui, Monsieur, qui dois-je annoncer ? - Ernest Puppa dit-il d'un ton solennel, il m'a invité
pour dîner. » Le réceptionniste ouvrit un grand livre, regarda Puppa droit dans les yeux et dit :
« Oui Monsieur, vous êtes attendu dans sa suite ! »
Le réceptionniste fit un signe de la main et un groom se pressa à son
service. « Suite neuf cent douze ! Lui ordonna-t-il... - Nous n'attendions plus que toi ! s'exclama René,
un large sourire égaillant son visage. Dans le magnifique appartement,
Ernest aperçut quatre convives. Un seul des personnages lui était
inconnu. Les invités s'étaient tous levés en cœur à l'arrivée de
Puppa ; ils semblaient manifestement très heureux de le revoir. « Alors, comment vas-tu mon vieux ? Jean-Paul
et Claude s'étaient rapprochés du nouvel arrivant. -Quelle joie de vous revoir, ça fait si longtemps ! »
Après une brève hésitation, ils se jetèrent dans les
bras les uns des autres tout en s'apostrophant des petits noms de leur
enfance. Au bout d'un moment, coupant les éclats de rire que provoquaient
de telles retrouvailles, René demanda le silence et ajouta, tout en
regardant en direction de l'homme très distingué qui était resté à l'écart
du groupe, « Il faut que je te présente un ami : monsieur Eloi
Vatime, conservateur du musée des beaux-arts de Genève. C'est un cher,
très cher ami, dont le savoir en matière d'art est sans limites » Puppa salua solennellement cet invité de marque, lui précisant qu'il adorait flâner dans son musée et précisa que, bien qu'il ne soit qu'un béotien en matière de peinture et sculpture, il était très sensible à la beauté de ce que pouvait créer le génie humain. Puis notre inspecteur fut happé vers le canapé ou un chaleureux apéritif l'attendait.
Quelques maîtres d'hôtel s'empressèrent d'installer
un fabuleux repas dans la salle à manger attenante. René précisa à ses
amis qu'il s'occuperait du service lui-même car il ne désirait aucune présence
étrangère durant leur repas. « J'ai une chose fantastique à vous montrer ! »
dit-il d'un ton mystérieux. ---------------------------------------------
Après quelques verres de Bourbon éclusés avidement
par nos invités, l'heure vint de passer aux choses sérieuses. Les six
hommes assis autour de la table jubilaient d'être ainsi réunis. Puppa
regarda l'un après l'autre ses comparses, essayant d'imaginer le chemin
qu'ils avaient parcouru durant toutes ses années. René était immensément riche, financier hors pair, il
vivait la grande vie à New York, côtoyant les personnalités de la vie
financière, artistique et politique, de la haute société américaine.
Malgré sa réussite incontestée, il semblait être resté un homme très
simple, attaché à ses origines. Aurélien, lui il le connaissait bien. Il habitait le
pays de Gex, Crozet plus exactement, et turbinait dans la bijouterie de
luxe. Son boulot s'émaillait de nombreux voyages aux quatre coins du
globe. C'était un homme orgueilleux que Puppa n'appréciait pas particulièrement,
il le fréquentait assez peu, n'aimant pas ses manières de nouveau riche.
Jean-Paul, beau gaillard d'un mètre quatre-vingt-dix était
un marchand d'art qui sévissait entre Genève, New York, et... Il parlait
d'une voix forte et assurée, énumérant les millions que lui rapportait
chacune de ses transactions. Claude, plus timide et réservé, était un copiste
reconnu. Il était célèbre pour la qualité de son travail et les grands
musées nationaux s'arrachaient ses services. Il paraissait connaître
particulièrement bien Monsieur Vatime, qu'il tutoyait. On voyait bien que
l'amour de la peinture unissait ces deux compères. À table la discussion était très animée. « Moi, je me suis fait tout seul ! commença Aurélien.
À la sueur de mon front, j'ai créé mon entreprise qui est maintenant
fleurissante, deux cents millions de chiffre d'affaires et des
perspectives d'avenir faramineuses. » René acquiesça : « C'est un peu la même
chose pour moi. Je suis arrivé aux États-Unis sans un sou. Dix ans plus
tard j'avais ma propre entreprise ! Mais, mon ami, que fais-tu de ton
argent ? » demanda-t-il d'un air intéressé. « Je le dépense en belles voitures et en femmes !
s’exclama le parvenu en riant. -Et bien moi, répondit René, j'ai pris une superbe décision,
je vais me lancer dans l'achat d'œuvres d’art ! » Tous les regards se fixèrent sur lui. « J'ai l'intention de créer ma propre petite
galerie personnelle, elle sera garnie de tout ce que le monde peut nous
offrir de plus beau ! » Aurélien resta bouche bée et rougit
de la bêtise des propos qu'il avait tenu. Claude semblait amusé par l'idée,
et voyait déjà dans René un mécène potentiel. Il répliqua : Monsieur Vatine, intrigué par le discours du
millionnaire, lui demanda plus de précisions sur les œuvres qu'il avait
l'intention d'acquérir. « Et bien moi, dit-il, j'ai une profonde
admiration pour les grands peintres de la Renaissance ! Ma
connaissance en peinture est actuellement restreinte, j'en conviens, mais
je me fais conseiller aux States par une relation qui connaît l'art de A
à Z. Je suis venu à Genève, je ne peux plus vous le cacher, pour acquérir
un tableau qu'un de ses amis vendait. Il m'a coûté une fortune. Mais je
crois qu'il en vaut la peine ! Interloqués, les invités s'empressèrent de demander
des précisions à leur copain. « Il s'agit d'un Vermeer de Delft, inconnu à ce
jour ! » Monsieur Vatine ne put s'empêcher de demander le nom du
vendeur. « J'ai promis le secret ! -Es-tu certain de son authenticité ? demanda
Claude. -J'ai un certificat qui provient du Louvre ! Je me suis procuré ce tableau dans le plus grand secret. »
Tous les convives n'y tenant plus, réclamèrent à l'unisson d'admirer ce chef d'œuvre. René se dirigea très lentement vers un petit buffet qui se tenait dans un coin de la pièce, il sortit une petite clef de sa poche, et dit : « Ce modeste meuble contient une toile splendide !
Vous serez les premiers à l'admirer ! » D'un seul mouvement tous nos amis se rassemblèrent aux
côtés de leur hôte. Henri entrouvrit lentement la petite porte en bois.
À l’intérieur du bahut, on apercevait maintenant un coffre. Henri
engagea sa petite clef et lui fit faire deux tours. Princièrement il tira
sur la poignée. Le tableau était maintenant à la vue de tout le monde. ------------------------------------
« Je l'ai appelé "La passion du Christ» !
Effectivement cette petite toile de quatre cents par
quatre cents millimètres représentait Jésus agonisant sur la croix. À
ses pieds trois femmes, les bras jetés au ciel, semblaient implorer la grâce
divine. « Splendide, on reconnaît tout à fait le style de ce grand maître flamand » osa Jean-Paul. -On retrouve parfaitement la sensibilité luministe,
coloriste et de compositeur, de ce grand Maître hollandais ! »
ajouta Claude. Puppa admirait l'œuvre, pensant à la somme folle
qu'elle avait dû coûter. Aurélien émit un sifflement admiratif. « J'aimerais bien savoir son prix ? -Ne pense pas à cela, mais admire plutôt la répartition
des ombres et des couleurs. Ma première affaire ! Quel coup de
chance ! Sans mes relations, je n'aurais jamais pu l'obtenir ! »
Monsieur Vatine resta étrangement silencieux. « Alors, jaloux cher ami ? persifla Aurélien.
-Pas du tout, c'est une toile magnifique » dit-il
d'un air étrange. Claude semblait très heureux pour son ami. Un large
sourire s'affichait sur son visage. Jean-Paul regardait son compère du
coin de l'œil, semblant s'amuser de sa bonne humeur. René rayonnait de
bonheur. Il décrivait en détail toutes les expressions des personnages,
soulignant les jeux de lumière qui enrichissaient la toile. Notre petite
réunion continua dans cette ambiance d'allégresse que nous communiquait
notre ami. Sa magnifique toile affichée devant nos mines réjouies agrémenta
le reste de la soirée. Puis l'heure tardive amena nos adieux et nos
promesses de se revoir prochainement. La porte refermée, René jeta un dernier coup d'œil à
son acquisition, mais au moment de refermer le coffre, la clef semblait
avoir disparu. Où est-elle donc tombée ? se demanda-t-il. À quatre pattes, il rôda dans tous les recoins de la
pièce, mais sa quête resta infructueuse. Il se borna donc de prendre le double qu'il avait en sa
possession, referma le coffre en se promettant de reprendre une recherche
plus approfondie dès le lendemain... Deux jours plus tard, la sonnerie du téléphone
retentit soudain dans le petit appartement d'Ernest Puppa. On était
dimanche matin et notre ami qui faisait sa toilette, sortit précipitamment
de sa salle de bain, la bouche pleine de dentifrice. « Allô ! marmonna-t-il d'une façon incompréhensible,
des bulles de savon s'échappant de ses lèvres entrouvertes. -Suis-je bien chez l'inspecteur Puppa ? articula
une voix affolée. -Oui, oui ! C'est lui-même, répondit notre quidam
tout en crachouillant dans sa main. -Ah ! Quelle chance, tu es là ! C'est moi René.
J'ai un grave problème : mon tableau a disparu ! -Quoi ? Ton magnifique Vermeer ? -Oui ! » Et René lui expliqua ses soupçons : « On l'a dérobé le lendemain de notre réunion ! »
Il expliqua. « Ma première clef avait disparu, j'avais d'abord cru qu'elle était tombée et qu'il serait facile de la retrouver. Mais impossible de remettre la main dessus. J'ai dû m'absenter une journée pour rencontrer quelques clients, et, quand je suis revenu, le coffre était grand ouvert et le Werner n'était plus là ! Il semblerait que quelqu'un s'est fait passer pour un valet de chambre, a pénétré dans mon appartement et a commis son forfait sans effraction. Puis, il ajouta une affirmation qui laissa Puppa
perplexe. « Je suis certain que l'un des nôtres a commis ce
délit. Comme tu es un inspecteur de police reconnu et que j'ai entière
confiance en toi, je me permets de te demander ton assistance. »
Ernest acquiesça. « Donne-moi deux jours pour y réfléchir, je te
rappelle. » René se perdit en remerciements et lui assura qu'il était
son seul recours et que son intervention éviterait de jeter la discorde
dans leur cercle d'amis... Le dimanche passa très rapidement sur l'esprit occupé
de notre inspecteur, pourtant aucun indice ne se présenta à ses pensées.
« Qui a bien pu commettre ce vol ? » se répéta-t-il toute la journée. Une idée lui vint à l'esprit. Notre inspecteur adorait surfer sur Internet, toujours à l'affût de sites intéressants. Un jour il était tombé sur des pages renfermant de nombreuses énigmes qu'il s'était évertué à solutionner. Intrigué par la personne qui était derrière cela, il avait fait connaissance de Julie, une charmante jeune personne qui l'avait étonné par sa gentillesse et sa clairvoyance. Il adorait échanger des idées avec elle, et à dire vrai, elle lui avait permis de résoudre par ses conseils astucieux quelques affaires criminelles difficiles.
Il se pencha donc sur son ordinateur et envoya le
message suivant.
Le jour suivant, Ernest ouvrit sa boîte aux lettres électronique. Avec émerveillement, il commença à lire la réponse de sa charmante amie. Elle lui était arrivée comme un souffle de fraîcheur lui apportant de bonnes nouvelles. |