Acte 9
La séance de wake terminée. Le bateau rentra au port.
Tous les surfeurs heureux de cette séance n’avaient
d’éloges que pour Debbie :
-Magnifique, tu t’es super bien débrouillée pour une première fois !
-Quelle style impressionnant !
-Mais tu es certaine que tu n’en as jamais fait avant.
Debbie se contentait de sourires à chacune des affirmations,
fière de l’impression qu’elle avait donnée.
Cependant il n’y eut pas un mot sur Adeline et sa performance.
Enfin si, celle de Bill, un compliment rapide, commercial, celui
qu’il répète pour encourager une cliente à
revenir plus souvent.
-Bill, je te paie demain c’est promis ! Confirma Julien.
-Je compte sur toi !
Le piquenique avait été organisé au bord de l’eau…
Yvon s’était posé sur un banc en pierre, car le
pauvre attirait les tiques et ils foisonnaient sur cette plage
herbeuse…
« C’est vrai, moi je crains les tiques, ça fait
déjà deux fois que je me suis fait piquer sur cette
plage. L’année dernière l’une de leurs
piqures s’était infectée et j’avais dû
prendre de la pénicilline pendant un mois pour éviter la
maladie de Lyme. Alors je trouve plus prudent de me poser ici,
d’éviter l’herbe le plus possible. Et puis, du haut
de ce promontoire je peux plus facilement observer mes amis.
C’est marrant, les serviettes se posent par affinité, avec
cet écart entre elles qui semblent indiquer un code de
territoire. Un demi-bras au moins entre chaque linge.
C’est le cas pour tout le monde, exceptée pour Adeline.
Elle permet la plus complète « indécence » sa
serviette peut être touchée par une autre, même
empiétée par une autre.
Pour elle ce n’est pas un problème.
Et je peux vous dire que les garçons ne se sont pas fait prier pour le faire.
Il y en a trois, autour d’elle.
Julien bien entendu est collé sur sa droite, Claude sur sa
gauche et Lenny délaissé une fois de plus par sa
bienaimée et en approche.
Marine s’est positionnée à la droite de Julien et
Adeline, boudeuse, s’est éloignée de trois
mètres, accompagnée du reste du groupe.
Moi, j’aime bien ces réunions. On se retrouve, on est
heureux, on discute de notre passion commune le wakesurf en racontant
nos exploits passés et présents, on s’amuse de la
gamelle de l’un, de la performance de l’autre, on
s’intéresse à chacun.
Et justement, malgré cette attirance incontrôlée
que j’éprouve pour Debbie. J’étais tout
à fait conscient que l’intérêt qu’on
lui portait était exagérée, peu sympathique
à l’égard de notre muse habituelle qui ne
méritait certainement pas notre indifférence.
Alors tout en la regardant je levai un peu la voix pour que tout le monde m’entende :
-Adeline ! Tu as été superbe aujourd’hui, nous
sommes tous jaloux de ta performance. Lenny ! J’espère que
tu as fait une belle vidéo de son exploit !
Lenny sortit la Go pro de son sac, trouva le passage vidéo demandé et le fit circuler parmi nous.
Des commentaires admiratifs fusèrent de tous côtés et Adeline reprit enfin le sourire.
Elle se rapprocha de nous, renouant cette ambiance
d’amitié qui devait à mon avis rester
centrée autour d’elle.
-Oui je suis contente, ça fait un moment que j’essaie sans succès de faire cette figure !
Le repas sur l’herbe me sembla alors, plus conforme à ce qu’il devait être.
J’ai rapidement quitté mon promontoire, posant ma
serviette entre les filles sans cette prescription de code qui me
semblait beaucoup trop stricte et sans fondement réel. La
boisson faisant effet, les rires fusèrent, les tensions
s’estompèrent et Debbie devint l’une des
nôtres, au même titre que toutes les naïades, perdant
cette aura qui ne pouvait être que néfaste.
Catherine lâcha son téléphone qu’elle surveillait avec une trop forte insistance.
Marine devint plus entreprenante avec Julien.
Bill et les deux compères oublièrent leurs griefs financiers.
Et, Claude commença à nous raconter de bonnes histoires.
Une véritable liste de ses petits malheurs presque quotidiens
qui, narrés de sa bouche avaient une saveur
particulièrement hilarante.
-On va se baigner !
Cette demande fut suivie par la soudaineté de nos accords.
En l’espace de trois minutes tout le monde fut dans l’eau.
L’avancée prudente des femmes fut déstabilisée par ma manie d’éclaboussures.
Oui, je ne peux pas m’empêcher d’accomplir cette
désagréable habitude qui remonte à ma plus tendre
enfance.
J’arrose les filles depuis toujours.
J’aime entendre leurs vociférations de désaccord,
voir leurs réactions, entendre leurs cris. Immanquablement elles
me rendent la pareille. Il y a quand même une exception,
c’est Debbie qui reste stoïque, « froide »
devant cette eau froide qui lui tombe sur la tête, avec ce regard
qui a l’air de me dire « Idiot, tu peux toujours y aller,
moi je m’en fou totalement !».
Une nage rapide nous emmena au ponton.
Notre arrivée en nombre dérangea un couple qui
profitaient de son isolement pour se raconter des secrets. Il fuit sans
un mot, laissant ce lieu à notre unique contentement.
Voilà, c’est ça qui est bien entre nous, cette
façon de s’amuser comme des adolescents, en oubliant nos
âges, en faisant fi du sérieux d’une vie qui sans
cela serait certainement trop austère, en communiant de nos
différences et en vivant ce moment présent avec une
réelle intensité.
Robert accompagné de Ludo vinrent nous rejoindre.
Nos plaisanteries, nos jeux enfantins, l’amalgame de nos corps
disposés de façon disparate semblaient tellement
parfaits, idéals, bonheur d’une vie sans nuage.
Comment ?
Comment, à cet instant, aurais-je pus deviner le drame qui
entacherait bientôt notre groupe de suspicions, le
séparerait à jamais, détruit par nos incertitudes.
Comment, aurais-je pu me rendre compte, découvrir, que Julien
était détesté par la plupart d’entre nous et
qu’il n’avait plus que deux semaines à vivre.
Que Debbie, la belle Debbie n’était pas du tout la personne qu’elle se targuait d’être.
Et comment aurais-je pu prévoir la triste fatalité de mon emprisonnement ? »…
Le soleil disparut derrière les montagnes et la nuit fut éclairée par une dizaine de petits lampions.
La lascivité de nos corps qui avaient toute la journée
profités du soleil, de grignotages à tout va, de petites
siestes réparatrices et de confidences incertaines
s’engagèrent alors dans une vitalité festive.
Bill augmenta le volume de la sono de son bateau, nos corps se mirent
à tanguer sous une musique envoutante et l’alcool qui
avait été mise de côté depuis le milieu
d’après-midi, reprit tranquillement son essor.
Le feu d’artifice devait commencer dans moins d’une heure.
Alors, Bill nous invita à monter dans son bateau qui devait nous rapprocher des festivités lumineuses.
Mais il lui fut impossible de le démarrer. Une panne de moteur
soudaine, irréparable obligea notre retour sur la berge.
Nous étions un peu déçus de ce contretemps, mais notre bonne humeur reprit le dessus.
On se mélangea à la foule des habitués de
l’endroit. Bientôt rejoint par ce petit groupe de joyeux
drilles emmener par une certaine Stan, affublée de la compagnie
d’un canadien, d’un Sénégalais, d’un
cubain, de son épouse infirmière et de ce petit bonhomme
à la coiffe façon Coluche qui se démantelait tel
un beau diable, entrainé par les volutes d’une rythmique
techno.
Nos danses, nos cris et nos verres qui tintaient les uns contre les
autres nous firent oublier le feu d’artifice lointain qui
grondait dans le ciel nocturne.
Profitant de nos euphories alcoolisées.
Debbie nous quitta discrètement pour disparaitre dans la nuit.
Catherine alla rejoindre cet homme habillé de noir qui du lointain du parking fit buzzer son téléphone.
Julien disparut l’espace d’une trentaine de minutes pour
revenir avec deux bouteilles de Génépi dans les
mains…
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Acte 10
Xavier Dupontère est un homme à la carrure imposante. Son
mètre quatre-vingt dix domine la petite taille de Catherine qui se trouve
maintenant à ses côtés :
-Amour, je me faisais tellement de soucis pour toi !
Il la prit dans ses bras pour l’embrasser longuement.
-J’ai dû m’enfuir, ils ont tué mon associé, j’ai reçu son pouce par courrier.
Il faut que je change de vie vite, très vite. Suis-moi dans ma voiture, je vais
t’expliquer !
La grosse berline noire, aux portes étanches leur permettaient une totale
discrétion sur le contenu de leur conversation.
-Mais qu’est-ce que tu as fait exactement, ce colis perdu dont tu me parlais,
tu m’avais dit être face à de grave représailles, que, peut-être tu devais
disparaître ? Je ne comprends pas.
-Il faut que je te dise la vérité… Tu te souviens de ce voyage que j’avais fait
au Laos ?
-Oui !
-J’avais été contacté par une société qui me proposait du riz en grande
quantité à un prix battant toute concurrence. Comme l’affaire était importante,
j’avais décidé avec mon associé d’aller sur place lors de notre retour d’un
voyage en Chine. Dans leur entrepôt il y avait des milliers de sacs de vingt
kilos. La qualité de leur riz semblait bonne alors nous avons fait l’affaire
pour une première livraison de cinq containers. L’expédition a eu lieux et
quelques jours avant son arrivée au Havres un homme est venu nous voir dans notre
bureau de Genève. Il nous a averti que dans le container numéro quatre, il y
avait trente sacs de cocaïne. Qu’ils devaient être livré directement dans un
entrepôt en banlieue Parisienne et que pour nous récompenser la facture du riz
serait divisée par deux.
-Et tu as accepté ?
-Oui ! Quelle idiotie ! Par faiblesse, on avait besoin de fond, notre
société avait de gros problèmes financiers. Et puis on était mis devant le fait
accompli. L’homme était menaçant. On a eu peur…
Malheureusement, le jour de l’arrivage, le container quatre avait été dévalisé
et les sacs de cocaïne avaient tous disparus.
Le même homme est revenu nous voir une semaine plus tard en nous menaçant de
mort si le chargement ne leur était pas restitué au plus vite.
On ne savait rien ! C’est un piège… Je ne sais pas…
Il se mit à pleurer.
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Debbie venait de s’engouffrer dans une petite rue glauque
perpendiculaire à la rue de Berne. Elle passa devant les vitrines où
s’exposaient les charmes de nombreuses prostituées. Fit le tour du pâté de
maisons pour entrer par une porte dérobée. L’immeuble était vétuste, presque
insalubre, elle s’enfila dans un couloir aux murs noircis par l’humidité,
appela l’ascenseur qui grinça à l’ouverture de ses portes.
Elle s’arrêta au cinquième pour se diriger vers l’appartement 506, frappa à la
porte et leva la tête devant la caméra qui surveillait l’entrée.
Une grosse femme trop maquillée, les cheveux teinter de tâches rougeâtres lui
ouvrit la porte.
-Salut Deb ! Tu es de retour ?
-Je veux voir le boss, il m’attend !
-Oui je sais !
Le bureau du « boss » était plutôt minimaliste quant
à sa décoration. Pas de fioriture, une grande table où trônait un ordinateur
portable. Une armoire remplie en désordre d’un amoncellement de dossiers, deux
tableaux de femmes nues plantés à la va vite sur les murs.
-Assied toi Debbie !
Le « boss » était un petit homme sans âge, presque chauve, avec une
mèche de cheveux gras collé sur l’oreille droite, sa mâchoire partiellement
édentée mâchait un chewing-gum avec un bruit de mastication baveuse.
-Alors tu veux reprendre du service ? Dit-il d’une voix
fluette.
-Oui « Boss » pas dans l’établissement bien entendu, mais juste comme
Escort. Un client pour quelques jours, peu importe la destination, j’ai besoin
de beaucoup d’argent.
Il ouvrit le dossier qui se trouvait devant lui, jeta un bref regard sur ses
détails, puis sembla compulser ses états de services et les commentaires des
clients avec attention.
-Pas de problème avec toi, mêmes tarifs que l’année dernière. Quatre mille
francs suisse la journée plus tous frais payés, bien entendu. Notre commission
c’est trente-cinq pourcent !
Il leva les yeux pour regarder son acquiescement.
- ça me va ! Vous avez un client en vue, j’ai besoin d’argent assez
rapidement.
Il jeta un œil sur son ordinateur.
-En fait j’ai bien une demande pour cinq jours à partir de demain.
-Super, je prends !
-Hum, tu le connais, je ne sais pas si tu veux renouveler l’expérience. Mais il
paie bien quinze mille Francs la journée.
Debbie pâlie.
-Tu veux dire…
-Oui, Cheikh M.
-ça sera où ?
-Il est dans le sud de La France.
-Ok, j’ai besoin d’argent, très vite !
Elle baissa les yeux en se remémorant leur précédente rencontre…
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Il faut que je vous raconte cette fin de soirée de feux
d’artifice !
Les festivités terminées, on avait commencé à danser, c’est bien, moi j’aime
danser. Nous entourions Adeline qui nous regardait à tour de rôle avec son
petit sourire enjôleur, et nous tous heureux nous tournions autour d’elle,
l’effleurant d’une main, nous rapprochant un peu plus que sa sévérité nous
permettait.
C’est alors que Julien sortit de son sac deux bouteilles de Génépi. Il nous servit, d’un gobelet, proposant la
même chose aux amis qui nous entouraient.
Adeline refusa, son sans alcool avait été catégorique depuis le début de la
soirée.
La boisson était forte, trop forte. On s’arrêta à un verre tandis que Julien,
seul, continua à s’abreuver de sa gnole.
-Faut que je fête quelque chose ce soir ? Nous dit-il.
Petit à petit tous nos amis commencèrent à partir, évitant Julien dont l’état
alcoolique empirait de plus en plus.
Voyant sa détresse, Je suis vite aller chercher une bouteille d’eau.
-Tiens mon ami, bois ça, arrêtes de te saouler, c’n’est pas la peine.
Viens, on va au resto, tu prendras un café, ça te fera du bien, de toutes
façons tu ne peux pas prendre le volant dans cet état.
Adeline semblait indifférente, inconsciente de la détresse évidente de Julien.
-Moi je pars, je dois aller retrouver…
Encore cette phrase suspendue ce sous-entendu qui aurait dû nous rendre jaloux.
Mais il est clair que depuis notre rencontre avec Debbie, notre intérêt pour
elle n’était plus le même.
-Alors, ok bonne soirée !
-A plus !
Il y avait un ton inhabituel de ma part et de celle de Claude. Une indifférence
de la voir s’en aller. Même pas ce désir de lui faire une dernière bise avec ce
regard de tristesse et de jalousie qu’elle aurait voulu voir en nous.
Elle partit vexée, maugréant sur cette Debbie qu’elle n’aurait jamais dûe nous
présenter.
On était au restaurant, assis à une table, le serveur tardait à venir.
Ludo et Robert nous avait rejoint.
-Je me sens mal ! nous dit Julien. Je vais me reposer un peu dans ma
voiture.
Nous le vîmes s’éloigner de nous en titubant et disparaître derrière la haie
qui nous séparait du parking.
-C’est triste de le voir comme ça ! Dit Claude, c’est un gars bien,
pourquoi faut-il toujours qu’il se comporte comme un ivrogne.
-Oui je sais, j’n’aime pas voir sa déchéance, surtout qu’en plus il est en
train de détruire sa santé !
Depuis plus d’un an, j’avais remarqué en lui des changements significatifs. Ses
beuveries de plus en plus fréquentes affectaient son raisonnement, diminuaient
considérablement ses capacités intellectuelles et il avait très souvent des
relents d’haleine nauséeuses. Mais l’empêcher ou le raisonner sur ce sujet ne
faisait que l’énerver et même s’il semblait être conscient de son problème et
promettait un sevrage nécessaire, son vice reprenait de plus belle, fatiguant
un peu plus son corps et son visage qui vieillissait beaucoup trop vite.
Robert et Ludo qui eux-mêmes étaient de gros buveurs et qui n’aimaient pas
beaucoup Julien en profitèrent pour le critiquer de plus belle.
-Il mérite son A.V.C. ce mec !
-Ou un bon plantage sur la route, ça lui mettra du plomb dans la tête.
Moi je m’inquiétais de sa santé. J’étais triste pour lui et
n’avais vraiment pas besoin d’entendre ces critiques :
-Viens Claude, on va voir comment il va !
Il était étendu sur l’herbe humide, juste derrière les
bosquets qui nous séparaient du restaurant. Il faisait un peu froid. Je le
couvris de ma petite veste, maigre couverture mais indispensable réconfort.
Il reprit un peu ses esprits.
-Je me sens mal, faut que je dorme un peu et ça ira !
Claude se posa dans l’herbe, à côté de moi. Et l’attente fut
longue.
Le restaurant se vida et triste constatation, tous les gens qui passaient
devant nous détournaient leurs têtes, Robert et Ludo n’eurent même pas un arrêt
d’inquiétude, juste un haussement d’épaules et un sourire narquois.
Nous restions silencieux, un peu accablés, non seulement de voir Julien dans
cet état comateux, mais aussi parce que nous n’avions pas eu le réflexe,
l’intelligence de le modérer.
Un ami qui part à la dérive ce n’est jamais réjouissant surtout quand notre
conscience nous en prouve l’évidence.
Une conversation finit par s’engager entre nous. Une sorte
de dérivatif pour nous aider à patienter notre malade.
-Tu penses quoi de Debbie ? Me demanda Claude.
-Elle est bien cette femme, belle, intelligente.
-Elle me plait bien ! Tout à fait le genre de de fille avec qui j’aimerai
vivre. Depuis Hélène, je n’ai personne et ça commence à m’affecter, non
seulement sur le plan physique, mais également moral, malgré tout ce qui s’est
passé avec mon ex, je devrais être dégoutté des femmes. Mais, j’ai quand même perdu
cette complicité que j’aimais avoir avec elle et je pense que peut-être, je
pourrai retrouver ma quiétude avec Debbie.
Claude avait divorcé un an auparavant, une rupture assez
douloureuse qui ne l’avait pas laissé vraiment indemne. J’avais été témoin de
ses confidences, rien de bien spécial, l’histoire banale d’un coup de foudre
qui tourne au drame. Dans un couple il y en a toujours l’un des deux qui aime plus
l’autre et le temps fait son œuvre, créant une barrière qui devient vite
infranchissable, non seulement parce que l’amour n’y ai plus mais peut-être
parce que l’on se rend compte que la personne avec qui l’on vit n’est pas
unique, certainement pas parfaite. Qu’il y a mieux qu’elle, beaucoup mieux !
-Tu sais Claude, je crois que Debbie s’intéresse beaucoup à Julien.
Observes les bien.
En sa présence, elle va nous ignorer complétement.
Il semblerait qu’elle voue pour lui une certaine admiration un peu étrange
quand on sait que leurs rencontres ne datent que d’une semaine. Et, je ne sais
pas si tu as remarqué, mais quand elle parle de sujets qui sortent de
l’ordinaire, elle se réfère toujours à lui, comme si elle n’avait pas sa propre
capacité de raisonner, comme si pour elle, il représentait la vérité
universelle.
Claude eut un petit rictus.
-En admiration devant lui ? Pour cet ivrogne ! Il haussa les épaules.
Elle changera vite d’avis.
J’avais été surpris par sa réponse.
Difficile pour moi de croire que mon gentil Claude, cet homme qui respirait le
calme et la bonté pouvait avoir de telles pensées agressives envers autrui et
encore plus envers Julien que nous côtoyons si souvent. Mais il est vrai que
Debbie nous avait totalement ensorcelés et avait même presque effacé de notre
esprit notre petite Adeline.
Il continua :
-J’n’ai pas dit mon dernier mot, moi aussi je sais y faire avec les femmes. Je
ne suis pas un collectionneur comme lui, mais j’ai de nombreux atouts dans ma
poche.
Il regarda le tatouage qui était dessiné sur mon bras gauche et changea
brutalement de sujet.
-C’est quoi ? ça t’a fait mal ?
-Un très ancien souvenir, quelqu’un que je croyais aimer, une erreur que j’ai
laissé sur le bord d’une autoroute ! Non pas mal du tout…
Je me mis à sourire à cet épisode d’abandon perpétré lors d’un triste soir de
vacances.
J’avais eu un soudain ras le bol de ce caprice, de cette égérie, trop belle,
certainement trop capricieuse et envahissante avec laquelle je m’étais entiché.
Alors je l’avais fuie au beau milieu de la nuit, pendant son sommeil, sans même
lui laisser un mot, sans même lui avoir jeté un dernier regard…
-Je pense me faire tatouer le torse ! Affirma Claude.
-Ah oui, pourquoi ?
-Rien du tout, seulement si j’arrive à faire quelque chose… Je préfère ne pas
en parler…
Julien sortit soudain de son marasme :
-J’ai dormi, je me sens mieux, je veux partir.
-Tu es certain que tu peux conduire ?
-Oui pas de problème.
Je n’ai rien dit…
De toutes façons il ne m’aurait pas écouté…
Alors on l’a suivi sur les deux cents mètres qui le séparaient de sa voiture.
Nous fûmes témoin de sa régurgitation dans le coin d’un buisson, triste
résultat de ses entrailles qui criaient grâce.
Puis on a regardé sa voiture s’éloigner lentement sur
la route qui heureusement à cette heure tardive était déserte.
acte 11 le 24 mars
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